LE PLANEUR

DÉCOLLAGE AU SANDOW

Rédigé par Peter Urscheler


Historique : des années 20 à aujourd'hui ... du faste au folklore

En 1920, en Allemagne dans le massif de la Rhön à la Wasserkuppe a eu lieu le 1er concours de vol à voile. Wolfgang Klemperer de l'université d'Aachen (Aix la Chapelle), pilote et inventeur du "Schwarze Teufel" a eu l'idée de lancer sa machine au moyen d'un gros élastique passé sous les jambes de son train. Résultat concluant. Au premier essai il a réalisé un vol plané de 1830 métres d'une durée de 2 minutes 22 secondes, puis quelques jours plus tard un second vol avec un gain d'altitude d'environ 30 métres . Cette invention a été déterminante pour le développement ultérieur du vol sans moteur.
Ci-dessous Wolfgang Klemperer sur son "Schwarze Teufel" à la Wasserkuppe en 1920.
Photographie issue du diaporama de Christiane Noellette.
https://www.youtube.com/watch?v=KQ-MeMjj8oQ&t=18s

Lancement Schwarze Teufel

Ci-dessous le planeur "Blaue Maus" (Diable noir). Le 30 août 1921 Klemperer parcourut 4,6 km en 13 minutes, établissant le record du monde de distance.

Lancement Blaue Maus

Voir le dioparama de Christiane Noellette.
https://www.youtube.com/watch?v=ezKrcP3dBMU

Auparavant, il n'y avait guère que les appareils petits et légers du style Lilienthal ou Chanute, avec décollage réalisé à la course et pilotage par déplacement du pilote qui arrivaient à réaliser des vols satisfaisants (un peu comme dans le vol libre actuel). Les essais réalisés avec des machines conçues et pilotées comme un avion mais tirés par une horde d'aides dans une pente au moyen de cordes (et parfois même portés) s'étaient généralement soldées par des échecs suite à l'impossibilité d'atteindre en absence de vent une vitesse de sustentation suffisante.
Par la suite l'utilisation du sandow s'est rapidement répandue mais son usage pratique était réservé soit aux sites disposant d'une pente bien orientée ou encore en bord de mer sur de simples dunes de sable. Sa vulgarisation s'est principalement faite en Europe Centrale ou des écoles de vol avaient été crées (à la Wasserkuppe, à Grünau en Bohême et dans les Rossiten au bord de la Baltique).
Hors de l'Allemagne, on connaît essentiellement le résultat de quelques congrès et concours ponctuels, notamment :
- En France, à Combregasse ou en août 1922 les premiers vols significatifs ont été réalisés seulement 3 jours après le début quand un sandow Michelin a été mise en service.
- En Angleterre, à Itford-Hill, en octobre 1922, Maneyrol avec son Peyret à ailes tandem lancé au sandow réussit un vol record de 3h et 21min en se posant la nuit.
- L'année suivante, encore en France à Vauville en 1923 ou Thoret a réussi à parcourir une distance de 8km 250m en se posant dans la mer avec le planeur Bardin, ce qui était alors un record du monde.
Mais c'est seulement en 1930 que la vulgarisation du vol sans moteur a commencé timidement en France, d'abord avec la quinzaine de Sens et les premiers planeurs de l'Avia puis par le début de l'activité à la Banne d'Ordanche et aussi la découverte de la pente de la Montagne Noire.
Ailleurs, des progrès incroyables étaient déjà intervenus tant au niveau des machines que des connaissances aérologiques.
Résultat :
- Dans le domaine du vol en montagne, des décollages ont été réalisé avec sandow au départ du Jungfraujoch (altitude 3475 mètres) en 1931 et 1935.
- le 29 juillet 1935 un groupe de 3 planeurs qui ont décollé au sandow à la Wasserkuppe se sont posés le soir à Brno, ce qui représente en ligne droite une distance de 500 kilomètres !. (...en France, et sauf erreur le premier vol d'une telle distance a été seulement réalisé aux alentours de 1950 par Gérard Pierre).
Pendant la guerre, le sandow a été ensuite utilisé massivement surtout en Allemagne dans la formation de début de pilotes de guerre, et aussi dans d'autres pays pour cause de pénurie de carburant pour les remorqueurs (notamment en Suisse) puis son usage est devenu de plus en plus rare.
Actuellement, les décollages au sandow sont seulement pratiqués épisodiquement, un peu comme des manifestations folkloriques.

Historique : des années 20 à aujourd'hui ... du faste au folklore

La méthode classique

On dispose en V devant le planeur deux longueurs de sandow d'une trentaine de mètres prolongées chacune d'une quinzaine de mètres de corde en chanvre généralement munie de nœuds pour ne pas glisser entre les mains des aides. A la pointe du V une petite élingue dont une extrémité relie entre eux les 2 branches du sandow et l'autre extrémité, munie d'un anneau est attaché au crochet de lancement du planeur. Parfois le sandow est en un seul morceau long de 60 mètres. Dans ce cas une boucle ligaturée au milieu permet d'assurer la liaison avec le planeur à lancer.
Quand le pilote est installé dans le planeur, deux équipes d'aides convenablement disposées, agrippent les nœuds des cordes à l'extrémité du sandow. Une troisième équipe arc-boutée au sol, maintient en place l'appareil par une traction exercée sur la queue. Au signal les deux premières s'élancent en avant, tirant sur le sandow. Lorsque la tension est suffisante, l'équipe de queue lâche brusquement le planeur tandis que les deux autres continuent à courir. Le planeur glisse au sol sur son patin, accélère sa vitesse et s'élève comme projeté en l'air par une fronde. Le décollage au sandow est rapide et progressif, mais la traction est de courte durée. La science du pilote consiste à gagner l'altitude maximum sans trop tirer sur le manche. En bout de traction, le sandow se décroche automatiquement du planeur.

LancementClassique

Parfois, comme sur l'image ci-dessus, l'équipe retenant le planeur est remplacée par un piquet muni d'un système de d'accrochage commandé à distance par un aide.
De rares planeurs sont même équipés d'un crochet arrière commandé par le pilote.
Si le principe paraît simple, sa pratique est complexe et cache de nombreux pièges. La méthode exige la collaboration de nombreux équipiers (souvent une bonne vingtaine), un entraînement sérieux, une coordination parfaite des mouvements. Axe de décollage face au vent, il est indispensable que les 2 branches de sandow soient tendues avec la même force sinon le planeur décolle de travers. L'angle du V doit également être assez ouvert pour éviter que les ailes du planeur puissent heurter les équipes qui tirent sur le sandow, mais pas trop pour ne pas réduire la force de traction du dispositif.
Au décollage, tant que le planeur n'a pas franchement pris l'air, l'énergie du lourd sandow est rapidement épuisée par ses frottements sur le sol. Pour réduire ces frottements on doit éliminer de l'aire de décollage toutes les aspérités, couper l'herbe à ras et installer sous le patin une planche savonnée pour favoriser le glissement du planeur. Et bien entendu, le pilote doit aussi faire en sorte d'arracher le planeur du sol dans les premiers mètres.
Il y a généralement un "maître-lanceur" dont le rôle est de coordonner les manœuvres, veiller au respect de toutes les règles de sécurité, fixer pour chaque équipe un repère vers lequel se diriger, préciser le nombre de pas à parcourir pour la tension correcte du sandow puis s'assurer que tout le monde est à sa place avant de donner les ordres de lancement.
Précaution importante : les aides (Gummihunde) doivent tirer la corde à hauteur de ceinture et non pas sur les épaules pour éviter des blessures graves en cas de rupture ou largage accidentel d'un sandow sous tension.
Ils doivent aussi bien connaître leur fonction : ne jamais lâcher la corde, même si il faut revenir en arrière pour la détendre. Il doivent aussi être préparés à un faux départ. Le sandow peut leur arriver dessus et en plus ils risquent d’être précipités au sol. Le planeur peut en plus, dans ce cas, arriver en dévalant la pente.

LancementHomme

Cette méthode classique nécessite malheureusement un grand nombre de personnes pour lancer une machine, ce qui est un problème car il est en général difficile de réunir quinze à vingt volontaires disciplinés nécessaires pour cette opération.
Pour réduire au minimum l'importance de l'équipe de lancement, les Américains ont décrit dès le début des années 30 des méthodes alternatives.

La méthode "catapulte"

C'est une méthode peu répandue consistant à fixer l'extrémité du sandow au sol et armer le dispositif en tirant le planeur en arrière au moyen d'un treuil, d'un palan de marine ou d'un cabestan. Grâce à la démultiplication de ces équipements on peut lancer un planeur avec l'aide de 3 ou 4 personnes.
Avantage : optimisation de la force du sandow qui se trouve dans l'axe du décollage.
Inconvénients : le dispositif est compliqué et s'adapte mal aux changements d'orientation du vent.
Cette méthode aurait été imaginé par des américains et expérimenté avec des variantes à Vauville et aussi par l'Aéroclub du Sénonais.

LancementCatapulte

Sandow tendu avec l'aide d'un cheval ou d'un véhicule automobile

Le sandow est simplement prolongé par un câble. Ce dernier passe à une distance appropriée dans une poulie de renvoi fixée au sol dans le but de dégager l'équipage chargé de tendre l'élastique de l'axe de décollage du planeur.

LancementMulet

Cette méthode semble avoir été utilisée en France avant la guerre avec une voiture. En effet elle est évoquée dans le livre "le Vol à voile - Brevet de moniteur de vol sans moteur" de R. Fossier et Olga Girod publié en 1937. Ensuite elle a été parfois pratiquée durant les années de guerre en Suisse avec utilisation d'un cheval ou d'un mulet pour tendre l'élastique.

Astuces : méthode Karlsruhe

LancementKarlsruhe

Suivant un vieux document allemand des années 50 probablement issu de l'Akaflieg :
a)- décollage normal impossible à cause d'un obstacle.
b)- l'obstacle peut être franchi en doublant la longueur du sandow
c et d)- avec un câble d'acier et une poulie de renvoi on double la vitesse de décollage du planeur.
La solution "b" aurait été utilisée en Amérique pour permettre le départ des planeurs lors d'un concours !

D'autres méthodes de solitaires francs-tireurs du décollage de planeur au sandow ont existé.

Méthode actuelle des Suisses avec l'équipement "OSV"

Quand les suisses de l'OSV "Oldtimer Segelflug Verein" (ce qui en français veut dire Association de Planeurs Anciens), ont voulu renouer il y a une quinzaine d'années avec la pratique du décollage au sandow ils ont constaté que la plupart de leurs sites utilisés dans le passé aussi bien pour l'école que pour les vols plus longs étaient devenus impraticables (soit par extension des constructions ou par la végétation). Il a donc fallu rechercher d'autres sites utilisables et accessibles avec les remorques, ce qui n'est pas toujours évident.
On avait aussi presque oublié les méthodes abandonnées depuis une cinquantaine d’années. En conséquence, le président de l'OSV, Willy Fahrni a mis au point et réalisé un nouvel équipement spécifique qui puisse s'adapter aux exigences particulières de divers sites de départ.
D’abord un rail de lancement en composite fibre de verre/résine polyester de 16m, démontable et facilement transportable par tronçons très légers de 1m60 qui s'empilent.

RailLancement

Et aussi une bobine pour stocker et transporter le sandow.

BobineLancement

En cas de lancer d'un planeur à patin, le rail est badigeonné d’eau savonneuse pour en améliorer le glissement.

BadigeaonageLancement

Ensuite un dispositif de retenue du sandow de lancement composé d'une plaque métallique fixée au sol avec des piquets longs de 30 à 50cm et sur laquelle est fixé un crochet de largage Tost commandé à distance par le "maitre-lanceur" au moyen d'une cordelette.

PlaqueLancement

Depuis le début des années 30 un dispositif mécanique pour retenir le sandow et le planeur est obligatoire en Suisse afin de limiter les risques de «faux départs». Certains clubs y interdisaient même l'envol de planeurs démunis d'un crochet de queue commandé par le pilote de l'appareil. Si actuellement le dispositif de retenue du sandow est devant le planeur, il est probable que dans les années 30 il était placé à l'arrière du planeur. En 1935, Jacob Spalinger a dû imposer à tous les participants du camp international du Jungfraujoch un vol de contrôle sur terrain plat pour s'assurer qu'ils avaient bien assimilé la procédure prévue pour les décollages du Joch.
Entre le sandow et le planeur il y a 3 élingues disposées en Y. La première (à gauche de l'image) a pour but d'éviter à la gaine de l'élastique de s'user au contact du rail de lancement. Ensuite une petite élingue relie l'ensemble au crochet Tost du dispositif de retenue et une autre, un peu plus longue est reliée au planeur à lancer. Le but de l'installation étant de préserver le fuselage des planeurs lancés d'efforts non prévus à sa construction. Il faut savoir que dans le passé, les planeurs construits en Suisse, les Moswey, Spalinger, Spyr etc... avaient un crochet de retenue arrière prévu pour supporter ces efforts mais les machines actuelles en sont démunies.
Pour juger de la bonne tension du sandow, le maître lanceur dispose d'un indicateur témoin qui est illustré par l'image ci-dessous. Il s’agit simplement d’un bout de corde attaché à une branche du sandow et passant par un anneau situé au milieu de la longueur du bout de corde. Quand la boule jaune attachée à l’extrémité de la cordelette longue de 1m arrive au niveau du centre du Y, la tension de l'élastique est au maximum, on peut alors lâcher le planeur.

SandowTension

Le sandow de l'OSV permet un allongement de 100% donc du simple au double. Dès 100% le tressage extérieur bloque tout allongement supplémentaire.
Pour bien faire il faut allonger (zieh) à 90% puis (seckle) et lâcher le planeur avant d'atteindre 100%, donc ne pas stopper le mouvement des 16 mulets (aides tirant sur le sandow) par le blocage 100% de l'élatique.
Le planeur est relié au dispositif de lancement de préférence avec un crochet ouvert. Ainsi le câble se décroche automatiquement en fin de tension de l'élastique.

SandowCrochetAvant

Pour tendre le sandow à la main, comme pratiqué à l’époque, un nombre respectable d’aides (les Gummihunde) est nécessaire. 5000 N à répartir sur 20 personnes cela fait encore toujours 250 N (25 kg) pour chacun, sans compter le frottement du sandow au sol. Pour les départs d’entraînement en plaine, 20 Gummihunde sont un strict minimum. A la pente on profite du poids du corps et on peut réduire l’équipe en conséquence. La problématique ici est de réussir à trouver suffisamment de volontaires qui souvent ne voleront pas eux-mêmes. Bien sûr, plus on a de pilotes plus on a indirectement d’aides. Pour fonctionner idéalement il faut au minimum 10 planeurs (ou 10 pilotes volant sur le même planeur), en-dessous de ce nombre l’équilibre devient difficile à réaliser.

SandowLesAides

Et en bout de course le starter déclenche le lancement de la machine.

SandowAvantDecol

Et c'est l''envol.

SandowGiclee

Départ dans une pente avec un sandow ordinaire

Dans le cas d'un lancer dans une bonne pente bien dégagée il faut relativement peu d'énergie car après une poussée de départ, le planeur peut atteindre sa vitesse de sécurité par gravité en suivant la pente. A ce moment, la finesse de la machine entre également en ligne de compte, ainsi que le cas échéant la force du vent.
Ces images ont été prises en 2004 à Jezow Sudecki (ex Grunau) en Pologne. C'est le départ d'un Grunau Baby 2 sur un très ancien site de décollage utilisé dès les années 20 comme pente école.
Planeur prêt au départ juste en bordure de la pente (le patin posé sur un tapis pour mieux glisser).

LancementDepart

Le patin de queue du planeur est relié au moyen d'une corde à un crochet de largage fixé au sol, ce dernier est commandé par le maître lanceur avec une simple ficelle. Le maître lanceur tient également l'aile du planeur .

LancementCrochet

Le planeur est lancé dans la pente quand il a atteint sa vitesse de sustentation, il est déjà plus bas que le point de départ. 8 personnes ont tendu l'élastique.

LancementLenvol

Le Matériel

Le sandow est composé de minuscules brins en caoutchouc naturel à base de latex enfermés dans une double gaine. C'est le nombre de brins qui permet aux fabricants de faire varier la force du sandow. Pour le lancement des planeurs un fournisseur polonais propose actuellement une gamme de sandow contenant selon la force demandée 600, 800 ou 1000 brins de caoutchouc.
Les gaines sont destinées à la fois à protéger les brins de caoutchouc et aussi limiter l'extension du sandow. Elle limite en général son allongement à 2 fois la longueur au repos, mais pour garder les qualités de l'élastique certains fabricants conseillent de jamais l'allonger de plus de 70%. C'est un élément coûteux et aussi fragile. Pour ne pas l'user il faut éviter de le traîner sur un col caillouteux, mais le porter. Pour la bonne conservation du sandow il faut aussi le stocker au frais et à l'abri de la lumière.
Tous les sandow que j'ai pu voir en utilisation provenaient de Pologne ou d'Angleterre, mais il y a aussi un fournisseur de sandow spécialisés en France (F 92100 Clichy).
Non ce n'est pas un balai, mais l'extrémité d'un sandow contenant entre 600 et 1000 brins d'élastique..

bout sandow

Avec l'allongement maximum, la force d'un brin du sandow de l'OSV est de 250 kg, donc 500 kg, pour les 2 brins en parallèle. En configuration V la traction sur le crochet du planeur est autour de 425 kg. Son diamètre est de l'ordre de 26 à 28mm.
La force nécessaire pour lancer un planeur est le produit masse x accélération, donc plus la masse est grande et plus la vitesse à atteindre est élevée, il faut un sandow puissant.
- Les facteurs aidant pour un départ franc sont évidents : un bon vent de face, la déclivité de la pente, départ sur roue au lieu du patin.

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